Exposant deux

Bernard Landriault et Michel Paradis collectionnent l’art contemporain québécois depuis plus de vingt-cinq ans. Leur collection rassemble actuellement près de deux cents œuvres. Au premier regard, elle paraît éclectique : aucun médium, aucun artiste, aucun thème ni aucune mouvance n’y domine. Ce n’est guère surprenant dans la mesure où elle s’élargit en premier lieu au gré des « coups de cœur » éprouvés lors de visites d’expositions. Mais ces coups de cœur ont souvent pour origine une caractéristique singulière qui recèle la parenté invisible de ces œuvres. Landriault et Paradis ne collectionnent pas tout à fait des objets d’art. La plupart du temps, leurs choix s’opèrent moins à partir des données matérielles d’une œuvre qu’en fonction des opérations ayant mené à ce résultat : ou, plus précisément, ils se nouent autour de la relation entre les deux ; ils se fondent sur un certain écart, une brèche, entre le processus de fabrication concocté par l’artiste et l’apparence finale de l’œuvre. L’art post-minimal et le process art nous avaient, il y a déjà plus de 40 ans, familiarisés avec une telle valorisation du processus mais celle-ci, toute moderne encore, s’appuyait sur un postulat de transparence ; elle exigeait que les étapes de la production, les stratégies du faire, se donnent à lire, sans mystère et sans opacité, dans l’objet ou la trace. Landriault et Paradis au contraire aiment assez les œuvres qui rusent avec la traçabilité des opérations de production. En conséquence, le projet d’exposer une partie de leur collection se pose comme la tentative – et le défi – d’exposer la démarche de deux collectionneurs en tant qu’elle-même les conduit à collectionner des démarches autant que des œuvres aimées.

On trouvera dans l’exposition des regroupements d’œuvres déclinés sous l’égide d’un verbe (Relier, Trouver, Détourner) ou d’une stratégie, de même qu’une section sur les rituels particuliers de ce collectionnement. Au programme, des œuvres de Francine Savard, Adad Hannah, Raphaëlle de Groot, Lynne Cohen et d’autres encore

Visite commentée et vernissage le samedi 8 février 2014 à 14 h

Ceci n’est pas une machine

Le travail de Jean-Pierre Gauthier s'est d'abord développé à partir de références au quotidien du monde ouvrier et d'allusions au désordre mental. Toujours, il lui est apparu signifiant de pointer les écarts entre l’objet utilisé, la fonction qui l’anime et le son qu’il peut potentiellement générer. Depuis son exposition Les machines proliférantes (1995), qui consolidait sa réflexion sur le processus de la métamorphose et les altérations de l’objet usuel, près de vingt années se sont écoulées, au cours desquelles il a gardé l’œil et l’oreille alertes.

Rétrospectivement, il est aujourd’hui intéressant d’observer dans sa démarche une abstraction de l’interactivité entre l’œuvre et le visiteur, une disparition progressive de la narrativité et une importance accrue accordée à la fabrication au profit des procédés d’assemblage. Si ses récents projets marquent un retour à l’essence des effets acoustiques, c’est que son inté

Rétrospectivement, il est aujourd’hui intéressant d’observer dans sa démarche une abstraction de l’interactivité entre l’œuvre et le visiteur, une disparition progressive de la narrativité et une importance accrue accordée à la fabrication au profit des procédés d’assemblage. Si ses récents projets marquent un retour à l’essence des effets acoustiques, c’est que son intérêt envers le son est devenu le principal moteur de sa pratique. Conséquemment, les mots-valises qu’il utilise pour animer son travail (Air, Souffle, Vibration, Poumons, Clapet, Bouche) induisent un lien de plus en plus éloquent entre la forme extérieure et la fonction interne des objets qu’il utilise, ce qui accentue le rapport anthropomorphique à ses machinations.

Ceci n’est pas une machine vise à rendre compte des principales ramifications qui ont élargi son champ de travail au cours des dernières années. Cette exposition sera notamment l’occasion de découvrir une nouvelle expérience sonore immersive, celle d’un acousmonium intitulé Orchestre à géométrie variable, et de survoler l’ensemble de son œuvre en pièces détachées.

Visite commentée et vernissage le samedi 24 mai 2014 à 14 h

Réalité / Utopie

Depuis plus de dix ans le travail de Karine Giboulo questionne le fonctionnement de notre société en abordant diverses problématiques du monde occidental, telles que l’industrialisation, le capitalisme, la consommation et même l’hyperconsommation, l’urbanisation et la mondialisation, l’exploitation des travailleurs, la multiplication des bidonvilles, les mégapoles et l’isolement des individus. L’importance et la portée du travail de cette jeune artiste justifient une exposition à caractère rétrospectif ; elle permettra de constater l’évolution de Giboulo selon les médiums utilisés – dessins, bulles de vie, dioramas – mais aussi selon les différentes thématiques d’ordre social et humaniste qu’elle aborde. Dans ses œuvres à la fois réalistes et imaginaires, Giboulo multiplie les détails de façon très percutante. Elle met en scène des personnages et des animaux miniatures qu’elle façonne avec de l’argile de polymère peint de couleurs vives. Ses installations nous attirent par un côté fantaisiste qui rejoint un peu le monde de l’enfance, mais le propos qui en émane contraste fortement avec ce caractère ludique et oblige au questionnement.

Poursuivant ses réflexions sur le monde et son habitat, Giboulo s’inspire d’une tour construite à Shanghai (The Vertical City : Shanghai Tower) et présente un nouveau diorama où elle imagine une architecture à la fois futuriste et utopique. Cette tour – qui comprend, au rez-de-chaussée, magasins, résidence de personnes âgées, stationnement et usines – s’élève comme un immense nuage dans le ciel, où loge l’élite. Elle met ainsi en parallèle la classe ouvrière qui vit dans les bas-fonds et l’élite dans les nuages.

Grave et légère, réaliste et utopique, poétique et ancrée dans le monde contemporain, l’exposition nous convie dans un univers ludique par sa forme, mais indéniablement revendicateur dans son propos.

Visite commentée et vernissage le samedi 13 septembre 2014 à 14 h

When the Shadows Change Colour / Quand les ombres changent de couleur

Chih-Chien Wang s’intéresse à la constitution de l’identité personnelle. Notes prises lors de pérégrinations, objets trouvés et présentés sous forme de natures mortes, images de soi, des autres, ou issues de l’environnement urbain : tout concourt à montrer comment des images aident à mettre en scène ce que l’on est et ce que l’on croit être. Il en résulte des constructions qui font voir comment peuvent être fragiles ces représentations que l’on se fait de soi.

La photographie et la vidéo, et leur mise en espace dans des contextes installatifs, sont les outils privilégiés de l’artiste pour capter les impressions fugitives et pour contribuer à des mises en scène fondées sur une théâtralité subtile et minimale.

L’exposition présentée à EXPRESSION, intitulée When the Shadows Change Colour / Quand les ombres changent de couleur, porte sur une certaine étrangeté. Que savons-nous des gens que l’on croise dans les rues, sur le trajet entre chez-soi et le travail ? Chih-Chien Wang a choisi ici d’investir ce rapport aux autres, fondé sur une certaine ignorance mais reposant aussi sur cette entraperception. À des notes témoignant de brèves épiphanies, de courts instants où l’autre semble se révéler pour nous, il ajoute des œuvres vidéo dont l’une, en projection double, offre le résultat d’une intrusion, consentie par les intéressés, dans les espaces personnels et les routines d’habitués du parc La Fontaine, à Montréal.

Visite commentée et vernissage le samedi 8 novembre 2014 à 14 h